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Le projet Time Machine : la machine à explorer le temps ?

July 20, 2021

Laurent Lucien

Consultant en IA & Project Manager chez QUANT AI Lab, Chercheur en systèmes multi-agents & Contributeur pour ThisAmazingAI.com

Depuis le célèbre roman d’Herbert George Wells publié en 1895, c’est un vieux rêve que poursuit l’Homme. Et même si la Science tempère nos envies et semble laisser cette invention dans le domaine de la Fiction, nous courons toujours après cette chimère.

Aujourd’hui, nous touchons du doigt une certaine forme de voyage temporel avec le projet Time Machine [1]. Et encore une fois, l’Intelligence Artificielle n’est jamais bien loin !

Partons à l’aventure et explorons les temps passés.

source Time Machine

La Genèse du projet

A l’origine de ce projet titanesque, il y a eu le projet de recherche international Venice Time Machine dirigé par l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) et l’Université de Ca’Foscari de Venise, initié en 2012/2013.

L’objectif était de développer un modèle spatio-temporel de la ville de Venise en créant une archive ouverte numérique du patrimoine culturel [2][3].

Cette initiative avait été très bien accueillie par le public ainsi que par les institutions de recherche et avait conduit au dépôt d’un projet européen FET Flagships (Future and Emerging Technology), en avril 2016.

Le projet Europe Time Machine sera même finaliste de la compétition avant que ce type de financement de recherche ne soit finalement abandonné par la Commission européenne en mai 2019 [4][5].

The Time Machine Organisation

L’EPFL qui avait pris la tête du projet n’a pas voulu en rester là et la Time Machine Organisation a vu le jour en 2019. Cette association dont le siège est en Autriche doit assurer la pérennité du concept et du programme de recherche et d’innovation qui a été conçu initialement pour la période 2019–2020.

Elle agrège un grand nombre de chercheurs, de décideurs et d’autres professionnels dans le domaine du patrimoine culturel. Elle compte actuellement plus de 600 institutions de 45 pays dont près de 200 instituts de recherche européens et plus de 100 organisations culturelles (galeries, bibliothèques, archives et musées).

Tous ces acteurs soutiennent les principaux défis scientifiques et technologiques, fournissent du matériel et une expertise culturelle, historique et géographique, et contribuent au développement de la structure et des services de Time Machine [6].

L’ambition

Le projet Time Machine se veut surtout un projet destiné à renforcer l’image de l’Europe dans le monde en insistant sur sa volonté de préserver et de mettre en valeur le patrimoine culturel et architectural.

On peut distinguer 3 ambitions principales :

· Recherche à grande échelle pour développer le Big Data du passé et créer un gigantesque système d’information numérique distribué pour cartographier l’évolution sociale, culturelle et géographique de l’Europe à travers les époques ;

· Conception et mise en œuvre de nouvelles technologies de numérisation et d’Intelligence Artificielle pour exploiter le vaste patrimoine culturel européen ;

· Plateformes ouvertes permettant de naviguer dans les perspectives multiculturelles et multilingues de notre passé.

L’architecture du projet

Infrastructure de traitement et de numérisation

Elle s’articule principalement autour d’un processeur de contenu numérique (TM Digital Content Processor) et de trois moteurs de simulation :

· un simulateur 4D (4D Simulation Engine) qui gère une simulation spatio-temporelle continue de tous les passés et futurs possibles compatibles avec les données ;

· un moteur de représentation universelle (Universal Representation Engine) qui gère l’espace de représentation multidimensionnel résultant de l’intégration de types extrêmement divers d’artefacts culturels numériques (texte, images, vidéos, 3D) ;

· un moteur d’inférence à grande échelle (Large Scale Inference Engine) qui façonne et évalue la cohérence des simulations 4D sur la base de concepts et de contraintes compréhensibles par l’homme.

L’infrastructure de numérisation Time Machine sera également composée d’un réseau de hubs de numérisation et sera organisée à l’échelle européenne. Une plateforme peer-to-peer sera chargée de gérer et d’optimiser les stratégies de numérisation au niveau européen et sera également chargée de développer des solutions génériques d’archivage, de documenter directement les processus de numérisation et de mettre rapidement en ligne les documents numérisés.

Pour pouvoir développer le projet, il faut également pouvoir s’appuyer sur quelques outils clés : Data Graph, 4D Map, Code Library et Project Repository

· Le graphe des données (Data Graph) est le composant central de Time Machine et contient toutes les informations modélisées. Il est construit à la fois manuellement à l’aide d’applications d’édition et automatiquement grâce aux traitements réalisés par le processeur de contenu numérique (TM Digital Content Processor) ;

· La carte 4D (4D Map) est un deuxième composant central du projet. Elle est à la fois la carte où toutes les activités peuvent être suivies et la carte d’agrégation des résultats ;

· La bibliothèque de code (Code Library) est accessible dans plusieurs langages de programmation et regroupe les fonctions clés pour le traitement des données dans l’environnement Time Machine ;

· Le répertoire de stockage des projets (Project Repository) permet d’accéder et de suivre tous les projets actifs de Time Machine. Les projets sont généralement menés par des institutions mais peuvent également être lancés par des particuliers. Les projets peuvent exploiter les sources et ingérer les données extraites du graphe de données. Ils sont associés à une zone de couverture qui les lie à des Local Time Machines (cf. section suivante).

Local Time Machines

Le réseau de Time Machine est organisé sous la forme d’un nombre illimité de machines locales (Local Time Machine). Chaque machine est ancrée dans l’espace d’une ville ou d’une région et a l’ambition de construire une base de données d’informations spatio-temporelles, jetant les bases d’un modèle 4D de son environnement physique.

La Time Machine Organisation est responsable du développement de l’infrastructure de base, qui comprend le graphe de données (Data Graph) ou la carte 4D (4D Map). Les applications sont des logiciels qui permettent aux utilisateurs de consulter et de modifier les informations.

Les attentes et les espoirs

Time Machine est un projet très ambitieux, par le volume de données manipulées et leur hétérogénéité, par la complexité technique, par le nombre d’acteurs universitaires, institutionnels et économiques.

Il suscite donc évidemment de grandes attentes et de grands espoirs :

· Création de nouveaux modèles économiques, de nouveaux métiers et services (TIC, industries de la création de contenu numérique et du tourisme, développement des villes intelligentes et d’aménagement du territoire) ;

· Rendre l’éducation plus accessible, interactive et diversifiée en donnant plus de profondeur aux programmes d’enseignement et en aiguisant l’esprit critique des étudiants pour favoriser un engagement plus important en faveur de notre patrimoine culturel commun ;

· Nouvel impact sur les sciences sociales et humaines avec l’identification de modèles, de corrélations et de connexions plus larges pour augmenter les capacités d’analyse ;

· Forte impulsion et une dynamique positive pour augmenter la compétitivité de l’UE dans les domaines de l’informatique en général et de l’IA en particulier avec des technologies en rupture dans les domaines de la vision artificielle, des systèmes linguistiques et cognitifs, de la simulation multimodale (4D), du calcul intensif et du stockage de données à long terme ;

· Plus largement, contribuer à construire et à renforcer l’excellence européenne au niveau international en jouant un rôle de premier plan dans la numérisation de la culture et dans l’utilisation de l’Intelligence Artificielle, au service de la préservation du patrimoine culturel et architectural.

Tempus Fugit

J’ai découvert ce projet à l’automne 2020 et il m’a fait immédiatement rêvé. Etant un grand amateur d’histoire, de cartographie et d’architecture, je suis fasciné par nos capacités actuelles de numérisation et de modélisation. Et j’ai hâte de découvrir les avancées technologiques que ce projet va apporter.

Il est réellement malheureux que l’UE n’ait pas eu la volonté (ou les moyens) d’aller au bout de sa logique d’investissement et de promotion. Je ne sais pas si le nouveau modèle économique permettra au projet de réaliser toutes ses ambitions mais je l’espère.

De nombreuses Local Time Machines existent déjà et nous permettent de mieux comprendre l’histoire d’une ville ou d’une région [7]. Gageons que cela créera la dynamique nécessaire pour un engagement plus fort dans les années à venir.

Jules Renard a dit que « Le temps perdu ne se rattrape jamais ». Cependant nous avons ici l’occasion d’apprécier celui passé et d’envisager un futur plus optimiste.

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