Le digital est une révolution dans notre vie, dans la société, dans le monde du travail. Il a permis de réduire considérablement les coûts de transaction et d’accès. Avec l’informatique, Internet, puis les sources d’océans de données, sont venues des automatisations de tâches, plus rapides et plus exactes que ne le faisaient les humains. Le digital a permis l’accès à des éléments dont le coût d’accès ou de transaction était grand (aller à la gare pour acheter un billet), très grand (accéder à une bibliothèque ou à des éléments d’information) ou quasiment infinis (retrouver ses amis d’enfance). Le digital a permis l’accélération de nombreux processus de nos vies, a permis aussi de réduire certains emplois, et d’en créer d’autres.
Son image est un peu négative dans le monde de l’emploi car elle est souvent associée à celle d’une diminution de l’emploi, même s’il est loin d’être prouvé que ce fut vraiment le cas. Surtout, le digital, en supprimant des coûts de transaction a supprimé des contacts humains. On ne voit plus des personnes, on ne les entend même plus, on interagit avec des écrans. C’est parfois pratique, comme pour acheter un billet de train ou louer une voiture, c’est parfois insupportable quand il n’y a même pas un numéro à appeler sur un site Internet alors que l’on a besoin d’une réponse qui n’est pas standard. Le digital est sans aucun doute un des grands coupables de la diminution des contacts humains. Peut-être même, avec les réseaux sociaux, est-il ce qui a permis la haine en ligne et des fake news.
L’IA aura-t-elle les mêmes conséquences ?
Photo de Tyler Lastovich provenant de Pexels
L’IA n’est pas du digital, elle ne réduit pas les coûts de transaction mais les coûts de prévision, d’analyse.
L’IA est souvent considérée comme une extension du digital. C’est faux. Elle s’est installée sur les épaules du digital pour voir plus loin, mais elle est autre chose. Si l’IA utilise des bases de données gigantesques (le fameux Big Data) et des systèmes informatiques parfois hyper sophistiqués (comme les réseaux de neurones), donc des outils informatiques / digitaux/ algorithmiques, ses grandes différences avec le « vieux » digital est qu’elle ne sert pas à réduire les coûts de transaction, qu’elle n’est pas exacte, qu’elle est plutôt une formidable machine à réduire les coûts de prédiction et d’estimation. Mais elle n’est qu’approximative. Elle va aider les médecins, les radiologues, les biologistes, les financiers, les comptables, les prévisionnistes, les logisticiens, les juges, les policiers, etc. sur le plan professionnel. Elle va nous aider à traduire des textes ou à converser en d’autres langues, mais elle n’est qu’une aide, certes extraordinaire, mais qui ne peut pas remplacer l’homme. Dans le digital, un tableau Excel remplaçait absolument et sans erreur ceux qui auparavant effectuaient les calculs. Le radiologue ou le traducteur sera aidé, mais chacun d’eux reste essentiel.
On la confond souvent avec un expert, elle n’est qu’une machine.
On projette sur elle des fantasmes issus du digital comme celui de détruire des emplois alors qu’elle a surtout un rôle d’enrichissement des tâches.
L’IA est une formidable invention… envahissante
L’IA va permettre des progrès considérables en sciences (notamment en médecine et dans toutes les disciplines où la reconnaissance d’images ou l’utilisation de capteurs est cruciale), en gestion des équipements (maintenance prédictive), en prévision commerciale et industrielle, en facilité de la vie quotidienne (traduction, itinéraires, etc.) mais il ne faut pas se méprendre entre ce qu’elle peut faire ou non. Il ne faut pas s’illusionner béatement sur son potentiel ou tomber dans les fantasmes de la science-fiction, il vaut mieux ne pas perdre de vue que la décision finale doit rester humaine. L’IA n’est qu’une aide à la décision, elle n’est pas un expert, elle n’est pas un système exact comme le sont les systèmes informatiques. Pourtant elle est la nouvelle coqueluche des entreprises. A voir la façon dont elle s’impose partout, elle fait penser au plastique, car comme lui elle envahit nos vies et pollue nos océans (de données) et en partie notre écosystème social.
Elle arrive partout. Là où le digital réduisait les coûts de transaction, elle réduit les coûts d’analyse, de prévision ou d’estimation. Elle reconnaît des visages, trie des textes, analyse des radiographies, traduit des textes, etc. Mais elle se banalise vite et, comme le digital, son utilisation ne sera plus un élément distinctif, à la façon dont la reconnaissance vocale sur un Android ou un IOS ou sur des enceintes connectées ne se distingue guère d’une marque à l’autre. Elle conduira aussi à des excès, comme avec le digital, et il faudra, elle aussi, la gérer.
Pour l’instant elle est la coqueluche des entreprise et tout projet, tout site internet semble n’acquérir de crédibilité que si une dose, souvent fictive, d’IA y est ajoutée, ne serait-ce que dans la communication. Cela va de la prétention des promoteurs d’une activité d’y avoir mis une dose d’IA, comme si cela les faisait paraître plus crédibles, à la présence d’un chatbot, souvent stupide, censé répondre au client et traiter ses problèmes à la place d’un humain.
De façon parfois inquiétante elle est aussi vue comme une façon de réduire les coûts de transaction alors qu’en réalité elle réduit surtout les coûts de prévision et d’estimation sans apporter les garanties d’exactitude qu’apporte le digital. Notre feuille d’impôt est exacte car les données sont précises et entrées de façon exacte sur un algorithme dont le processus est clair, connu, traçable. Le fisc peut utiliser une IA pour analyser notre comportement sur les réseaux sociaux, nos photos de vacances, etc. et inférer qu’il y a peut-être incohérence entre nos déclarations et nos attitudes, mais il ne pourra pas faire un redressement sur ces bases sans avoir humainement vérifié. L’IA n’est qu’estimation.
Ce faisant, elle est devenue envahissante, omniprésente dans les discours et la communication, c’est dommage car tout envahissement déclenche des réactions de rejet. L’IA pourrait en souffrir.
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