Un ouvrier peut remplir sa journée de tâches répétitives. A l’autre bout du spectre, un manager français passe 40% de son temps à faire du reporting [1]. De nombreuses professions comportent des redondances, des répétitions qui peuvent générer de la lassitude, de la frustration. Ainsi près de 63% des français disent s’ennuyer dans leur métier [2].
Aujourd’hui, le travail est davantage transactionnel, avec plus de reporting, et moins de contact humain. Par exemple, lorsqu’on appelle son opérateur téléphonique, on tombe sur un robot qui nous redirige vers un opérateur. Ce dernier suit alors un schéma de questions/réponses pré-établi, très robotique, pour répondre de façon standard, productive, mais sans place au contact humain. Ces opérateurs font du travail ‘transactionnel’.
Les médias, les entreprises parlent beaucoup d’IA. Mais on se rend vite compte que la plupart des gens ne savent pas en donner une définition claire. Commençons déjà par quelques notions sur l’IA, le Machine Learning, le RPA, le Deep Learning.
Définitions
L’IA ou Intelligence Artificielle, fait souvent penser aux robots de Terminator. Hollywood stimule l’imaginaire collectif, mais ces robots sont loin de ce qu’est l’IA d’aujourd’hui et de demain (pour après demain, on verra).
L’IA peut être décrite comme un/des systèmes informatiques capables d'exécuter des tâches qui nécessitent habituellement de l'intelligence humaine. Ces systèmes sont alimentés par des ‘approches mathématiques’ différentes.
Par exemple certaines IA sont construites avec de simples règles. L’approche RPA (Robotic Process Automation) fonctionne très bien pour ces systèmes. Une application de système IA avec des règles pourrait être : si je reçois un email contenant les mots “riche”,”argent”, “gagnant”, il doit être automatiquement envoyé dans mes spams.
D’autres IA sont alimentées par des approches plus sophistiquées comme le Machine Learning et le Deep Learning. Il faut noter que le Deep Learning fait partie du Machine Learning. Les deux fonctionnent par l’analyse de données historiques de façon automatisée. Par exemple, mon hôpital collecte les informations pour chaque patient sortant d’une hospitalisation, et s’il est revenu ou non dans le mois suivant. Je peux utiliser ces données pour entraîner un modèle qui, pour chaque patient futur, me donnera le risque qu’il ait des complications après être sorti de l'hôpital.
Illustration de la définition de l’IA [+]
Les projets IA en entreprise sont souvent entre les mains des équipes Analytics. En effet cela requiert des connaissances en code, traitement de données, mathématiques et des connaissances métier.
Néanmoins un panel de logiciels de plus en plus large permet depuis quelques années de “démocratiser” l’IA. Pour faire du traitement de gros fichiers de données, on peut maintenant utiliser des logiciels en mode clic-bouton et construire ses propres “workflow” de données sans savoir coder. Les modèles de Machine Learning et Deep Learning, si compliqués au niveau mathématiques, peuvent aussi être construits avec des plateformes de Machine-Learning-Automatisé par des personnes qui ne sont pas des Data Scientists.
Cette récente démocratisation de l’IA implique beaucoup de choses pour le monde du travail. Elle annonce des projets IA plus nombreux, plus étendus et développés plus rapidement qu'auparavant. Une inclusion plus poussée de profils métier qui peuvent tendre à devenir autonomes sur leur projet IA (peut être que les commerçants pourront demain ajuster leurs activités selon ce que leur disent leurs données). Et peut être un équilibre homme/femme mieux réparti sur les intervenants IA qui sont aujourd'hui majoritairement masculins. En effet, les IA sont souvent construites par des hommes, intégrant leur biais, et peuvent être indirectement pensées au profit des hommes et au détriment des femmes. Ajuster cet équilibre serait une avancée pour la société.
L’IA est désignée comme la 4ème révolution industrielle après la machine à vapeur, l’électricité et Internet. Le PDG de Google a annoncé cette année que l’IA apporterait des changements plus profonds que la découverte du feu [3].
Lorsqu’il s’agit de filtre Snapchat, l’IA est attrayante. Lorsqu’il s’agit du nouveau projet IA de votre département, l’IA peut être vu comme une concurrence menaçante. Il est aisé de penser que la machine va faire le travail à sa place, fragiliser sa position dans l’entreprise.
La concurrence Homme / IA
Un point souvent oublié : l’IA se concentre sur l’automatisation de tâches. Non sur l’automatisation d’un métier. Parfois elle grignote partiellement le travail de quelqu’un, parfois elle en accélère la transformation, aide à fournir une meilleure productivité . On peut aussi utiliser l'IA pour permettre aux collaborateurs de prendre les meilleurs décisions, éviter de faire des erreurs, valider une intuition ou la remettre en question.
On peut ralentir un projet IA autant que faire se peut, inéluctablement l’IA deviendra présente dans notre travail. En effet les GAFAM donnent la cadence sur ce sujet. Ces mastodontes ont déjà plus de poids dans la balance numérique que certains gouvernements et poussent de façon indirecte pour que les entreprises intègrent l’IA dans leur stratégie de demain. Il ne s’agit plus d’un débat “pour ou contre l’IA” mais plutôt de penser comment l’IA peut s’intégrer au mieux dans le monde du travail. Les gouvernements devront tôt ou tard instaurer un cadre, réfléchir à une régulation tout en gardant en vue l’intérêt général au delà de l'intérêt des entreprises.
L’IA est une technologie ‘disruptive’. Jean-Philippe Couturier annonce dans le podcast “Anti-brouillard” que cela va indéniablement détruire des emplois [4]. Et il n’est pas le seul de cet avis. Par exemple, la voiture autonome bourrée d’IA, va probablement mettre au chômage chauffeurs de taxi, de bus et routiers.
En parallèle on peut évoquer Schumpeter et son concept de “Destruction créatrice” qui suppose que cela ouvre aussi la voie à de nouveaux emplois [5].
La vision de Rutger Bregman dans son livre “Utopies réalistes” est plus optimiste [6]. Il annonce que l’automatisation des tâches va permettre de reporter le travail sur la machine et nous libérer du temps pour passer à des semaines de 15h de travail. Cela implique peut être une taxe robot pour les entreprises.
Dans tous les cas le monde du travail d’aujourd’hui est en passe d’être chamboulé par l’IA.
[1] La bureaucratie dans les entreprises : la dérive du système.
[2] Le Point : Plus de 60% des Français s’ennuient au travail
[3] Sundar Pichai’s interview at 2020 World Economic Forum in Davos
[4] [Anti-brouillard] #14 - L’IA va-t-elle faire disparaître mon job ? (Jean-Philippe Couturier, Whoz)
[5] Destruction créatrice de Joseph Schumpeter
[6] “Utopies réalistes” de Rutger Bregman
[+] Définition de l’IA, Machine Learning, Deep Learning par le PDG de DataRobot (de 5:35 à 11:40)
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